Helldivers 2 : son créateur défend l’IA, mais pas comme vous l’imaginez

Le patron d’Arrowhead tente de ramener de la nuance dans le débat explosif sur l’IA, mais son “juste milieu” soulève autant de questions qu’il n’en résout.

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© Arrowhead
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Dès qu’on prononce « intelligence artificielle », l’industrie du jeu vidéo s’enflamme. Les studios se divisent, les joueurs s’invectivent, et la discussion vire immédiatement au tribunal de l’extrême. D’un côté, ceux qui veulent des jeux entièrement générés par IA, comme Elon Musk.

De l’autre, ceux qui voient leur métier disparaître sous un rouleau compresseur algorithmique. Au milieu de ce vacarme, Shams Jorjani, le PDG d’Arrowhead à qui l'on doit Helldivers 2, tente de réclamer un peu de nuance.

Le patron de Helldivers 2 veut un “juste milieu” sur l'IA

Dans une interview accordée à The Game Business, Shams Jorjani revient sur la polémique autour d’ARC Raiders et de ses voix générées par IA. Pour lui, la discussion actuelle n’a rien de rationnel. Il cite les dirigeants persuadés que 77 % du QA pourrait être automatisé, puis les développeurs qui vivent chaque outil comme une menace directe sur leur identité professionnelle. Sa question, posée presque avec lassitude :

“Et si la réalité se trouvait quelque part au milieu ?”

Il ne nie pas les risques, au contraire. Il rappelle que tout usage de l’IA doit respecter, les droits des artistes et la rémunération des comédiens. Selon lui, ce cadre est indispensable, et les tribunaux devront clarifier ce qui constitue un usage légitime, ou un vol pur et simple.

Là-dessus, difficile de lui donner tort. L’affaire Françoise Cadol, voix iconique de Lara Croft, dont le timbre a été retouché par IA sans son consentement pour le remaster de Tomb Raider : Angel of Darkness, illustre parfaitement les dérives que l’industrie refuse parfois de regarder en face.

L'IA peut réellement améliorer le jeu vidéo ?

Quand Shams Jorjani parle d’ARC Raiders, il est sincèrement convaincu du potentiel : enrichir les interactions vocales, aider les joueurs qui n’osent pas parler en ligne, fluidifier la communication. À condition que les acteurs soient payés, et que leur voix ne soit jamais exploitée au-delà de ce qu’ils ont autorisé.

Il défend aussi une IA “utile, mais invisible” : transcriptions, automatisations techniques, tâches ingrates supprimées pour libérer du temps créatif. Rien qui ne touche à la narration, à l’écriture ou à la création d’un univers, qu’il considère comme profondément humaines.

“Pourquoi je donnerais à une machine la partie du travail qui est la plus plaisante ?”

Et il ne s’en cache pas : aucune IA dans Helldivers 2 pour créer du contenu, mais il l’utilise volontiers dès qu’il s’agit de gagner du temps sur la paperasse. Une position pragmatique, d’ailleurs partagée par d’autres dirigeants de l’industrie. Strauss Zelnick, PDG de Take-Two et maison mère de Rockstar, va même plus loin :

“l’IA regarde en arrière, alors que les grands succès regardent en avant”.

Là où sa nuance devient un peu trop confortable

Le problème, c’est qu’à force de refuser les positions tranchées, Shams Jorjani efface aussi une réalité : certaines colères n’ont rien de disproportionné. Un comédien dont la voix est reprise sans accord. Un trailer full IA pour ARK: Aquatica, cheap et irrespectueux.

Ou encore la disparition des “petits boulots” du jeu vidéo — QA, transcription, tâches techniques — qui servaient de porte d’entrée à toute une génération de futurs créatifs. Shams Jorjani le reconnaît lui-même :

“Quelque chose se perd.”

Alors oui, il apporte un discours posé, intelligent, presque salutaire. Mais ce débat ne manque pas de nuance. Il manque de règles. Et tant que l’industrie continuera d’éviter la question du cadre, elle confinera à l’autosabotage.

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