Le marché du manga en 2025 continue de battre des records : plus de 200 nouveautés lancées entre janvier et août, une dizaine d’adaptations animées déjà annoncées, et des ventes toujours portées par les têtes d’affiche habituelles (coucou One Piece).
Dans ce tumulte, certains titres remarquables peinent à émerger, faute de marketing ou de nom connu en couverture. Pourtant, ces œuvres méritent qu’on s’y attarde pour la qualité de leur écriture, de leur dessin, ou de leur proposition narrative. Voici cinq mangas sortis cette année qui prouvent qu’on peut encore se faire surprendre, émouvoir et embarquer loin des sentiers battus.
1. Parashoppers
Tsubasa Fukuchi (Law of Ueki) revient en 2025 avec un manga qui mise tout sur la débrouille. Parashoppers suit Mitsusada, lycéen résolument optimiste, qui se retrouve embrigadé dans une application mobile transformant la réalité en battle royale. Chaque utilisateur hérite d’un “pouvoir” aléatoire. Pour lui, ce sera déplacer une paille. Pas très impressionnant sur le papier, sauf que toute la série repose sur un principe simple : ce n’est pas le pouvoir qui compte, mais ce qu’on en fait.
L’influence de My Hero Academia est bien là, mais débarrassée des poncifs du genre. Lancé au Japon le 22 janvier 2025 dans le Weekly Shōnen Sunday, Parashoppers en est déjà à deux volumes, avec une publication simultanée en anglais sur l’appli VIZ Manga. Aucune date n’est annoncée pour une sortie française papier, mais le titre a été nommé aux Next Manga Awards 2025 dans la catégorie shōnen, un signe qui ne trompe pas. Pas encore un phénomène, mais déjà un manga à suivre de près !
2. Kurotsuki no Yaergnacht
Derrière ce titre un peu baroque se cache l’un des lancements les plus scrutés de l’année côté shōnen. Kō Suzumoto (Shinai Naru Boku e Satsui o Komete) y délaisse le thriller psychologique pour s’aventurer en terrain surnaturel, avec une efficacité assez immédiate. Kurotsuki no Yaergnacht débute en avril 2025 dans le Weekly Shōnen Magazine et signe un démarrage solide : réimpression du premier volume en un temps record et bande-annonce virale sur les réseaux japonais.
Le récit suit Shinogi Inumata, un lycéen en fin de parcours, seul, sans avenir tracé, et doté d’une sensibilité au monde des morts. Une malédiction plus qu’un don, jusqu’à sa rencontre avec Yaergnacht, esprit antique à l’apparence humaine, qui lui propose un pacte : l’épouser et la rejoindre dans son combat contre les « Apôtres », entités surnaturelles censées punir les trahisons envers la création. Derrière le pitch un peu grandiloquent, le manga met surtout en place une dynamique de duo très codifiée — attraction, défiance, dépendance — qui rappelle certains classiques du genre.
Visuellement, Yaergnacht coche toutes les cases du personnage féminin fort et distant, mais la mise en scène évite le pur fétichisme. L’esthétique oscille entre gothique discret et action très lisible, dans une ambiance à mi-chemin entre Bleach et Noragami. Aucune édition française n’est annoncée à l’heure actuelle, mais le titre circule déjà en simulpub en anglais chez Kodansha. À suivre.
3. Genikasuri
Toshio Sako (Usogui) délaisse les jeux de mort pour un autre genre de violence : celle du sport professionnel. Dans Genikasuri, il raconte l’histoire de Ryo Harima, boxeur prometteur, plongé dans le coma après un combat et laissé pour mort par son entourage. À son réveil, il ne cherche pas la rédemption sur le ring, mais décide de prendre le système à revers en devenant promoteur.
Sako dresse un portrait sans fard du monde de la boxe : trahisons, dopage, manipulations financières. Le manga ne parle pas de dépassement de soi, mais de pouvoir et de contrôle. Un récit froid, tendu, très loin des codes du shōnen sportif. Disponible en anglais sur Manga Plus. Rien d’annoncé en France pour l’instant.
4. Sounds of Vinyl
Pas de pouvoirs, pas de combats, juste des disques. Sounds of Vinyl est une anthologie douce-amère où chaque histoire tourne autour d’un vinyle et de ce qu’il réveille chez ceux qui l’écoutent. Un homme replonge dans son passé en retrouvant un disque qu’il croyait perdu, une jeune fille découvre le rock par accident, un vieux disquaire refuse de passer au streaming.
Le trait est sobre, le rythme lent, et l’émotion passe par les silences. On pense à Blue Giant pour la façon dont la musique devient un langage intime, même si ici, c’est la mémoire qui parle plus que la passion. Publié chez Vega (collection Alpha), le tome 1 est sorti le 4 avril 2025, suivi du tome 2 en juin.
Pour tous ceux qui pensent qu’une chanson peut changer une vie, c’est une petite merveille à découvrir. Un ovni pour qui veut de la douceur et de la vibe musicale.
5. Say Thank You
Say Thank You est un recueil de sept histoires courtes qui abordent des sentiments simples, mais rarement exprimés. Kô Nikaidô s’intéresse à ce qu’on garde pour soi, aux mots jamais dits, aux émotions en suspens. L’amour y est présent, mais toujours en filigrane, parfois empêché, parfois trop tardif. Ce n’est pas un manga sur les grandes déclarations, mais sur les instants où l’on aurait dû dire quelque chose.
Le dessin accompagne cette pudeur avec une ligne claire, élégante sans en faire trop. Sorti en juin 2025 chez Nobi Nobi! dans la collection Genki, Say Thank You propose une forme de douceur rare, à mille lieues des standards trop bavards de la romance.
Un manga que l'on peut comparer avec Your Name, mais contrairement au film de Makoto Shinkai, il troque la romance cosmique et le fantastique pour des scènes du quotidien plus intimes et réalistes. Court, accessible, poétique, et suffisamment juste pour continuer à résonner longtemps après la dernière page.
Ces cinq mangas ne misent ni sur le bruit ni sur l'effet d'annonce. Ils accrochent par leur sincérité, la justesse de leurs personnages et des univers qui prennent des chemins moins balisés. Des lectures qui restent en tête une fois la dernière page tournée, et qui rappellent pourquoi ça vaut toujours le coup de regarder au-delà des têtes de gondole.