S’il y a bien un genre qui ne prend pas de vacances, c’est celui du Souls-like. Depuis plus de quinze ans, les jeux « à la FromSoftware » s’enchaînent, se réinventent, ou se copient avec plus ou moins de réussite.
Dark Souls a laissé un tel sillage qu’aujourd’hui, même un metroidvania, un roguelite, ou un platformer un peu exigeant peut se voir affublé du label « Souls-like ». Une étiquette devenue fourre-tout ? Pas si vite.
Avant de ranger Nioh ou Lies of P dans le même tiroir, encore faut-il savoir ce qui fait vraiment l’ADN d’un Souls-like. Parce qu’au-delà des boss punitifs et des « Vous êtes mort » gravés dans la rétine, ce genre repose sur une grammaire de jeu bien particulière. Une grammaire que FromSoftware n’a peut-être pas inventée de toutes pièces… mais qu’il a codifiée à la perfection.
Une formule popularisée par FromSoftware
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les développeurs de FromSoftware n’ont jamais voulu créer un genre. Ils voulaient simplement faire des jeux difficiles, exigeants, atmosphériques. Ce sont les joueurs et la presse qui, face au choc provoqué par Demon’s Souls (2009), puis Dark Souls (2011), ont commencé à parler de « jeux à la Dark Souls ». Et comme souvent, le terme a fini par se cristalliser : Souls-like.
L’homme derrière cette révolution, c’est Hidetaka Miyazaki. À l’époque, il reprend le projet Demon’s Souls un peu à l’abandon chez FromSoftware et en fait une œuvre radicale. Sony n’y croit pas, le jeu ne sort pas au-delà du Japon dans un premier temps. Et pourtant, le bouche-à-oreille fait son travail. Le reste appartient à l’histoire.
Miyazaki lui-même a souvent dit qu’il ne s’attendait pas à créer un genre. Le terme « Souls-like » lui paraît presque étrange. Il voulait juste, selon ses mots :
« donner au joueur la sensation d’avoir vaincu quelque chose par lui-même ».
Mission accomplie.
Une recette à base de sueur, d’endurance… et de checkpoints très mal placés
Impossible de parler de Souls-like sans évoquer son gameplay signature. On pourrait croire qu’il suffit d’augmenter la difficulté pour entrer dans le club, mais non. La punition ne fait pas tout. Ce qui fait la moelle du genre, c’est la lenteur assumée, le rythme pesé, et cette sensation constante que le moindre faux pas peut vous coûter une demi-heure de progression. Concrètement, un Souls-like, c’est :
- Difficulté élevée et mort punitive : la mort est fréquente, et vous perdez une ressource précieuse (âmes, sel, échos de sang, etc.) à chaque échec. Elle est récupérable… si vous survivez au chemin.
- Système de checkpoint minimaliste (feux de camp, sanctuaires, etc.) : reposer ses forces, mais réactiver les ennemis.
- Combat technique et lent : gestion d’endurance, lecture des patterns ennemis, timing strict.
- Exploration labyrinthique : niveaux interconnectés, secrets cachés, raccourcis à débloquer.
- Lore cryptique : pas de narration classique, mais des fragments disséminés dans le décor et les objets.
- Multijoueur asynchrone : messages au sol, spectres, invasions ou entraide ponctuelle entre joueurs.
- Les boss : leur design — visuel, sonore, comportemental — est souvent plus marquant que n’importe quelle cinématique. Quand vous tombez face à Ornstein & Smough, Ludwig, Malenia ou The Nameless King, vous ne les oubliez jamais.
L’évolution du genre : variations et innovations
Si Dark Souls a défini le socle, ceux qui sont venus après ont tenté de faire bouger les murs sans faire s’effondrer la maison. Et dans cette maison, chacun a décoré à sa façon : certains ont mis plus d’action, d’autres plus d’histoire, d’autres encore ont tout rasé pour reconstruire ailleurs. Le Souls-like est devenu un genre malléable. Et c’est peut-être sa plus grande force.
Bloodborne : l’art de passer à l’attaque
Avec Bloodborne, FromSoftware donne un bon coup de latte dans son propre gameplay. Fini les boucliers et la prudence, bienvenue aux contre-offensives et à l’agressivité. Le rythme s’accélère, les ennemis sont plus nerveux, les combats virent au duel de réflexes. Et l’ambiance… Lovecraftienne à souhait. Une ruelle sombre, un pistolet, une scie-clé rouillée. C’est le même ADN, mais dopé à l’adrénaline et à l’ésotérisme.
Sekiro : le sabre, pas les statistiques
Sekiro (2019), c’est la prise de risque ultime. Exit les builds, les classes, le multijoueur. Ici, vous êtes un shinobi, et vous restez un shinobi. Le système repose sur la posture, les parades, le rythme. Chaque combat devient un duel chorégraphié. Une mécanique de résurrection s’invite au milieu pour casser le tempo sans briser la tension. Certains crient à l’hérésie, d’autres crient au chef-d’œuvre. Mais une chose est sûre : Sekiro prouve qu’on peut garder le “like” sans le “Souls”.
Elden Ring : l’open world pour tous
Avec Elden Ring, FromSoftware ouvre grand les portes. Le monde est immense, l’exploration libre, la courbe de difficulté moins verticale. Et pourtant, c’est toujours un Souls-like. Torrent (le cheval), les Sites de Grâce, les boss planqués dans des caves improbables… Tout est là, mais étalé sur un territoire gigantesque. Certains puristes regrettent la densité d’un Dark Souls, d’autres y voient la porte d’entrée idéale pour les néophytes. Une chose est sûre : c’est le jeu qui a propulsé le genre dans la stratosphère du grand public.
Un genre qui influence tout le monde (même les Jedi)
Chez les autres développeurs, le Souls-like est devenu une base sur laquelle on plaque un univers, une DA, parfois une idée de gameplay.
- Nioh a introduit les postures de combat et une gestion du loot façon Diablo.
- The Surge a déplacé le combat dans un univers sci-fi avec ciblage de membres robotiques.
- Lies of P a repris la formule Bloodborne en y glissant un système de morale.
- Mortal Shell a tenté l’expérience avec des “coquilles” interchangeables (des corps aux statistiques différentes).
Tous ces titres montrent que le Souls-like n’est pas une prison de design. C’est un squelette qu’on peut habiller selon l’envie, l’univers ou la philosophie du studio.